vendredi 15 décembre 2023

jeudi 30 novembre 2023

Jacques Prévert




CHANSON DE L’OISELEUR



Ton cœur qui bat de l’aile si tristement
Contre ton sein si dur si blanc 

L’oiseau qui vole si doucement
L’oiseau rouge et tiède comme le sang
L’oiseau si tendre l’oiseau moqueur
L’oiseau qui soudain prend peur
L’oiseau qui soudain se cogne
L’oiseau qui voudrait s’enfuir
L’oiseau seul et affolé
L’oiseau qui voudrait vivre
L’oiseau qui voudrait chanter
L’oiseau qui voudrait crier
L’oiseau rouge et tiède comme le sang
L’oiseau qui vole si doucement
C’est ton cœur jolie enfant

Jacques Prévert


samedi 18 novembre 2023

René Char

 


J’habite une douleur 
  
L'œil est précoce à se plisser.
La souffrance connaît peu de mots.
 
Préfère te coucher sans fardeau ; tu rêveras du lendemain et ton lit te sera léger.
 
Tu rêveras que ta maison n'a plus de vitres.
 
Tu es impatient de t'unir au vent, au vent qui parcourt une année en une nuit.
 
D'autres chanteront l'incorporation mélodieuse, les chairs qui ne personnifient plus que la sorcellerie du sablier.
 
Tu condamneras la gratitude qui se répète.
 
Plus tard, on t'identifiera à quelque géant désagrégé, seigneur de l'impossible.
 
Tu n'as fait qu'augmenter le poids de ta nuit.
 
Tu es retourné à la pêche aux murailles, à la canicule sans été.
 
Tu es furieux contre ton amour au centre d'une entente qui s'affole.
 
Songe à la maison parfaite que tu ne verras jamais monter.
 
À quand la récolte de l'abîme ?
 
Mais tu as crevé les yeux du lion.
 
Il n'y a pas de siège pur. 

Ne laisse pas le soin de gouverner ton cœur à ces tendresses parentes de l'automne auquel elles empruntent sa placide allure et son affable agonie.

Pourtant. 

Tu crois voir passer la beauté au-dessus des lavandes noires… 
Qu'est-ce qui t'a hissé une fois encore, un peu plus haut, sans te convaincre ?  

René Char,  Le Poème pulvérisé - 1945


jeudi 2 novembre 2023

Andrée CHEDID



Le monde succombe
Aux égorgeurs
En carcan de haine
Qui déciment les corps innocents

Puis s’échappant comme l’eau
De toute emprise
La liberté jaillit
Hors du joug des violences
Et des harnais du temps

Mais qui ramènera
Des contrées
De l’ombre et des glaives
Ces vies interrompues
Aux lisières de nos vies ?

Andrée Chédid


jeudi 26 octobre 2023

Jeudi poésie


 

Démons et merveilles
Vents et marées
Au loin déjà la mer
S’est retirée

Et toi comme une algue
Doucement caressée par le vent
Dans les sables du lit tu remues en rêvant,

Démons et merveilles
Vents et marées
Au loin déjà la mer
S’est retirée

Mais dans tes yeux entr’ouverts
Deux petites vagues sont restées
Démons et merveilles,
Vents et marées
Deux petites vagues pour me noyer

Jacques PREVERT – musique : Maurice THIRIET

 


jeudi 12 octobre 2023

jeudi poésie

 


Les nuits d’insomnie
J’écoute mes souvenirs d’été
 
Je me souviens du soleil ardent
Et le soir venu des vers luisant
Que l’on traquait
Lors des balades nocturnes
 
Je me souviens
Des clairs de lune aux grandes marées
Nous éclaboussant entre les laisses
Où tu cherchais du verre dépoli
 
Je me souviens
D’un grand jardin aux graminées
De l’herbe aux écouvillons
Duveteuse aux épis soyeux
Et dont jamais je ne saurai le nom

dimanche 1 octobre 2023

l'Automne


Un mot

Vous me donnez juste un mot

Pour traduire l’automne

Comment traduire avec un mot

Les couleurs

Comment traduire avec un mot

Les sensations

Pourquoi ne pas demandez

De parler d’amour

Avec un mot

Un seul mot

Tous ceux qui me viennent

En tête

N’y suffirait pas

Chaque année

Il y a une semaine

Où les fées

Enchantent les arbres

Et vous voulez

Que d’un seul mot

Je raconte cette histoire

Alors qu’il vous suffit

De fermer les yeux

Pour de vous rappeler

Cette magie

Qui revient chaque année 

jeudi 28 septembre 2023

jeudi poésie - Tercets





Ce soir au jardin

les feuilles tourbillonnent

en robes dorées

 

Les feuilles s'envolent

portées par un courant d'air

- mes idées aussi 

vendredi 15 septembre 2023

Tercets du vendredi


Pour Lénaïg 


Quelques brindilles

sans scie et sans outils

l'oiseau fait son nid



Petite souris

même sous la lune rousse 

tous les chats sont gris




Sentier forestier -
Dans la brume du matin
le cri d'un corbeau 


le chat veille
un brin d'herbe s'agite
ami ou ennemi


LC de la Cachette - texte -  photos


jeudi 14 septembre 2023

Jeudi poésie Andrée Chedid




J’ai ancré l’espérance
Aux racines de la vie

Face aux ténèbres
J’ai dressé des clartés
Planté des flambeaux
A la lisière des nuits

Des clartés qui persistent
Des flambeaux qui se glissent
Entre ombres et barbaries

Des clartés qui renaissent
Des flambeaux qui se dressent
Sans jamais dépérir

J’enracine l’espérance
Dans le terreau du cœur
J’adopte toute l’espérance
En son esprit frondeur.

Andrée Chedid 

jeudi 7 septembre 2023

jeudi poésie Ronsard




J'espère et crains, je me tais et supplie,
Or je suis glace, et ores un feu chaud,
J'admire tout, et de rien ne me chaut,
Je me délace, et puis je me relie.

Rien ne me plaît sinon ce qui m'ennuie,
Je suis vaillant et le cœur me défaut,
J'ai l'espoir bas, j'ai le courage haut,
Je dompte Amour, et si je le défie.

Plus je me pique, et plus je suis rétif,
J'aime être libre, et veux être captif,
Cent fois je meurs, cent fois je prends naissance.

Un Prométhée en passions je suis ;
Et, pour aimer perdant toute puissance,
Ne pouvant rien, je fais ce que je puis.

Pierre de Ronsard   Le premier livre des Amours (1550)


samedi 12 août 2023

SILENCE

 


Départ cette semaine

je cartonne

j'abandonne

ordi et téléphone 


Un changement de rue

une nouvelle vie

et toujours mes ami-es


J’espère vous retrouver

aux bons soins d'Orange

et de l’installateur

après la quinzaine




mardi 11 juillet 2023

ça se précise...


 

Encore quelques démarches

et la rue fermée pour travaux

Patience


Trop important

les meubles sont donnés

vacuité !


Un temps d'adaptation et
On se retrouvera fin septembre




jeudi 1 juin 2023

Pause...

 Une pause qui se prolonge

les retards s'accumulent

le tunnel s'allonge 

la lueur espérée

s’affaiblit


Consolation

les pavots dansent

avec les iris éphémères


..

Et les roses

pour m'enivrer

une dernière fois









mardi 2 mai 2023

Petite coupure...

 Petite coupure bienvenue
en route pour la Belgique...


La découverte à Asfeld d'une extraordinaire église baroque
avant de rejoindre à Dinant la Meuse tranquille




Une sortie amicale qui stimule le moral 


 


mercredi 12 avril 2023

Changement de vie

Seule maintenant

Le jour approche 

où il faut délaisser 

maison et souvenirs...


Adieu arbres fleurs

jardin des oiseaux

écureuils malicieux

vous me manquez déjà


abandonner sa bibliothèque

c'est trahir des amis

apprendre à tout quitter







jeudi 2 mars 2023

Croqueurs de mots 278 - Fantastique

 

Défi 278 Jazzy veut du fantastique




Le roi des Aulnes

Qui chevauche si tard à travers la nuit et le vent ?
C'est le père avec son enfant.
Il porte l'enfant dans ses bras,
Il le tient ferme, il le réchauffe.

« Mon fils, pourquoi cette peur, pourquoi te cacher ainsi le visage ?
Père, ne vois-tu pas le roi des Aulnes,
Le roi des Aulnes, avec sa couronne et ses longs cheveux ?
— Mon fils, c'est un brouillard qui traîne.

— Viens, cher enfant, viens avec moi !
Nous jouerons ensemble à de si jolis jeux !
Maintes fleurs émaillées brillent sur la rive ;
Ma mère a maintes robes d'or.

— Mon père, mon père, et tu n'entends pas
Ce que le roi des Aulnes doucement me promet ?
— Sois tranquille, reste tranquille, mon enfant :
C'est le vent qui murmure dans les feuilles sèches.

— Gentil enfant, veux-tu me suivre ?
Mes filles auront grand soin de toi ;
Mes filles mènent la danse nocturne.
Elles te berceront, elles t'endormiront, à leur danse, à leur chant.

— Mon père, mon père, et ne vois-tu pas là-bas
Les filles du roi des aulnes à cette place sombre ?
— Mon fils, mon fils, je le vois bien :
Ce sont les vieux saules qui paraissent grisâtres.

— Je t'aime, ta beauté me charme,
Et, si tu ne veux pas céder, j'userai de violence.
— Mon père, mon père, voilà qu'il me saisit !
Le roi des Aulnes m'a fait mal ! »

Le père frémit, il presse son cheval,
Il tient dans ses bras l'enfant qui gémit ;
Il arrive à sa maison avec peine, avec angoisse :
L'enfant dans ses bras était mort.

Johann Wolfgang Goethe