Sentier forestier
dans la brume du matin
le cri d'un corbeau
Le monde succombe
Aux égorgeurs
En carcan de haine
Qui déciment les corps innocents
Puis
s’échappant comme l’eau
De toute emprise
La liberté jaillit
Hors du joug des violences
Et des harnais du temps
Mais qui
ramènera
Des contrées
De l’ombre et des glaives
Ces vies interrompues
Aux lisières de nos vies ?
Andrée Chédid
Démons et merveilles
Vents et marées
Au loin déjà la mer
S’est retirée
Et toi comme une algue
Doucement caressée par le vent
Dans les sables du lit tu remues en rêvant,
Démons et merveilles
Vents et marées
Au loin déjà la mer
S’est retirée
Mais dans tes yeux entr’ouverts
Deux petites vagues sont restées
Démons et merveilles,
Vents et marées
Deux petites vagues pour me noyer
Jacques
PREVERT – musique : Maurice THIRIET
Un
mot
Vous
me donnez juste un mot
Pour
traduire l’automne
Comment
traduire avec un mot
Les
couleurs
Comment
traduire avec un mot
Les
sensations
Pourquoi
ne pas demandez
De
parler d’amour
Avec
un mot
Un
seul mot
Tous
ceux qui me viennent
En
tête
N’y
suffirait pas
Chaque
année
Il
y a une semaine
Où
les fées
Enchantent
les arbres
Et
vous voulez
Que
d’un seul mot
Je
raconte cette histoire
Alors
qu’il vous suffit
De
fermer les yeux
Pour
de vous rappeler
Cette
magie
Qui revient chaque année
Ce soir au jardin
les feuilles tourbillonnent
en robes dorées
Les feuilles s'envolent
portées par un courant d'air
- mes idées aussi
Quelques brindilles
sans scie et sans outils
l'oiseau fait son nid
Petite souris
même sous la lune rousse
tous les chats sont gris
LC de la Cachette - texte - photos
J’ai ancré
l’espérance
Aux racines de la vie
Face aux
ténèbres
J’ai dressé des clartés
Planté des flambeaux
A la lisière des nuits
Des clartés
qui persistent
Des flambeaux qui se glissent
Entre ombres et barbaries
Des clartés
qui renaissent
Des flambeaux qui se dressent
Sans jamais dépérir
J’enracine
l’espérance
Dans le terreau du cœur
J’adopte toute l’espérance
En son esprit frondeur.
Andrée Chedid
J'espère et crains, je me tais et
supplie,
Or je suis glace, et ores un feu chaud,
J'admire tout, et de rien ne me chaut,
Je me délace, et puis je me relie.
Rien ne me plaît sinon ce qui m'ennuie,
Je suis vaillant et le cœur me défaut,
J'ai l'espoir bas, j'ai le courage haut,
Je dompte Amour, et si je le défie.
Plus je me pique, et plus je suis rétif,
J'aime être libre, et veux être captif,
Cent fois je meurs, cent fois je prends naissance.
Un Prométhée en passions je suis ;
Et, pour aimer perdant toute puissance,
Ne pouvant rien, je fais ce que je puis.
Pierre de Ronsard Le premier livre des Amours (1550)
Départ cette semaine
je cartonne
j'abandonne
ordi et téléphone
Un changement de rue
une nouvelle vie
et toujours mes ami-es
J’espère vous retrouver
aux bons soins d'Orange
et de l’installateur
après la quinzaine
Encore quelques démarches
et la rue fermée pour travaux
Patience
les meubles sont donnés
vacuité !
Une pause qui se prolonge
les retards s'accumulent
le tunnel s'allonge
la lueur espérée
s’affaiblit
les pavots dansent
avec les iris éphémères
Et les roses
pour m'enivrer
une dernière fois
Seule maintenant
Le jour approche
où il faut délaisser
maison et souvenirs...
Adieu arbres fleurs
jardin des oiseaux
écureuils malicieux
vous me manquez déjà
abandonner sa bibliothèque
c'est trahir des amis
apprendre à tout quitter
Défi 278 Jazzy veut du fantastique
Le roi
des Aulnes
Qui
chevauche si tard à travers la nuit et le vent ?
C'est le père avec son enfant.
Il porte l'enfant dans ses bras,
Il le tient ferme, il le réchauffe.
« Mon fils, pourquoi cette peur, pourquoi te
cacher ainsi le visage ?
Père, ne vois-tu pas le roi des Aulnes,
Le roi des Aulnes, avec sa couronne et ses longs
cheveux ?
— Mon fils, c'est un brouillard qui traîne.
— Viens, cher enfant, viens avec moi !
Nous jouerons ensemble à de si jolis jeux !
Maintes fleurs émaillées brillent sur la
rive ;
Ma mère a maintes robes d'or.
— Mon père, mon père, et tu n'entends pas
Ce que le roi des Aulnes doucement me promet ?
— Sois tranquille, reste tranquille, mon enfant :
C'est le vent qui murmure dans les feuilles sèches.
— Gentil enfant, veux-tu me suivre ?
Mes filles auront grand soin de toi ;
Mes filles mènent la danse nocturne.
Elles te berceront, elles t'endormiront, à leur
danse, à leur chant.
— Mon père, mon père, et ne vois-tu pas là-bas
Les filles du roi des aulnes à cette place
sombre ?
— Mon fils, mon fils, je le vois bien :
Ce sont les vieux saules qui paraissent grisâtres.
— Je t'aime, ta beauté me charme,
Et, si tu ne veux pas céder, j'userai de violence.
— Mon père, mon père, voilà qu'il me saisit !
Le roi des Aulnes m'a fait mal ! »
Le père frémit, il presse son cheval,
Il tient dans ses bras l'enfant qui gémit ;
Il arrive à sa maison avec peine, avec
angoisse :
L'enfant dans ses bras était mort.
Johann
Wolfgang Goethe