samedi 18 novembre 2023

René Char

 


J’habite une douleur 
  
L'œil est précoce à se plisser.
La souffrance connaît peu de mots.
 
Préfère te coucher sans fardeau ; tu rêveras du lendemain et ton lit te sera léger.
 
Tu rêveras que ta maison n'a plus de vitres.
 
Tu es impatient de t'unir au vent, au vent qui parcourt une année en une nuit.
 
D'autres chanteront l'incorporation mélodieuse, les chairs qui ne personnifient plus que la sorcellerie du sablier.
 
Tu condamneras la gratitude qui se répète.
 
Plus tard, on t'identifiera à quelque géant désagrégé, seigneur de l'impossible.
 
Tu n'as fait qu'augmenter le poids de ta nuit.
 
Tu es retourné à la pêche aux murailles, à la canicule sans été.
 
Tu es furieux contre ton amour au centre d'une entente qui s'affole.
 
Songe à la maison parfaite que tu ne verras jamais monter.
 
À quand la récolte de l'abîme ?
 
Mais tu as crevé les yeux du lion.
 
Il n'y a pas de siège pur. 

Ne laisse pas le soin de gouverner ton cœur à ces tendresses parentes de l'automne auquel elles empruntent sa placide allure et son affable agonie.

Pourtant. 

Tu crois voir passer la beauté au-dessus des lavandes noires… 
Qu'est-ce qui t'a hissé une fois encore, un peu plus haut, sans te convaincre ?  

René Char,  Le Poème pulvérisé - 1945


22 commentaires:

  1. On comprend l'amitié de Camus et Char.
    L'absurdité du monde ne doit pas nous empêcher de voir aussi sa beauté.
    Ils le disent mieux que nous, mais nous l'éprouvons tout comme eux!
    Bisous

    RépondreSupprimer
  2. Bonjour Josette... Dans la vie on passe par des étapes, pas toujours joyeuses, le coeur doit pouvoir s'en extraire, sans oublier les êtres tant aimés... merci, bises jill

    RépondreSupprimer
  3. Bonjour Josette. J'aime beaucoup ta photo avec ces voiles de fées. Bisous

    RépondreSupprimer
  4. Une illustration en clair-obscur pour un poème dur mais qui ressemble parfois trop au vécu...
    Ne laissons pas l'obscurité attrister le jour. il y a toujours quelque part une raison de sourire pour soulager et abreuver son cœur.
    Bonne fin de journée Josette.

    RépondreSupprimer
  5. comme un cri au-dessus de l'obscur.. très beau texte

    RépondreSupprimer
  6. Quelle force dans ce poème!
    Ta photo est très poétique, et plus légère.
    MissYves

    RépondreSupprimer
  7. Ta photo montre qu'au delà de la nuit il y a des beautés éphémères mais bien réelles, légères comme des voiles d'espérance...

    RépondreSupprimer
  8. Peut-on trouver un brin de beauté là où le sombre envahit toujours et toujours ? Texte et photo se répondent, c'est fort ! Merci Josette et à bientôt !

    RépondreSupprimer
  9. Oh là ! Un poème à broyer du noir. J'y préfère tes clématites d'hiver.
    Rien n' est fait dans ce monde pour que l'on vive bien mais mieux vaut penser à quelque chose de positif.
    Bonne fin d'aprèm' et gros bisous !
    Claude

    RépondreSupprimer
  10. Les trésors de chaque brin de nature vont et viennent pour s'unir inconditionnellement à nos pensées et les emporter.

    RépondreSupprimer
  11. très belle photo, j'aime beaucoup
    bon lundi Josette

    RépondreSupprimer
  12. Un poème de René Char que je ne connaissais pas du tout et que je découvre bien sombre...pas fait en tous les cas pour nous remonter le moral mais il se fait bien l'écho de la période que nous vivons et quand je vois la date où il a été écrit bien entendu plus rien ne me surprend. Merci pour ce partage. Bises

    RépondreSupprimer
  13. Bonjour Josette, un poème de René Char, voila un choix judicieux ! Merci beaucoup et belle semaine à toi.

    RépondreSupprimer
  14. Un tres beau poème de René Char que je découvre , en parfaite osmose avec ce qui se passe en ce moment dans le monde où la souffrance est bien présente . Une force des mots qui martèlent cette douleur.
    Bonne journée
    Bises

    RépondreSupprimer
  15. René Char et son calvaire pulvérisé ! 1945, le temps a passé, les hommes sont-ils devenus meilleurs ?
    Le poème dit la souffrance actuelle, il ne faut pas avoir peur des mots quand on aime la poésie ma Josette, bravo!
    23 novembre, des dates, la tienne, la mienne, et celles de tant de gens dans la tourmente !
    Je t'embrasse

    RépondreSupprimer
  16. Un final de clématite, très beau...

    RépondreSupprimer
  17. le poème est beau mais bien triste je lui préfère tes fleurs si légères...Bisous bonne journée

    RépondreSupprimer
  18. Un poème avec des mots très forts.Il reste d'actualité hélas !
    Passe un bon week end

    RépondreSupprimer
  19. j'adore la photo et ce poème de René Char me touche tout particulièrement ! Merci ma Josette !! bisous

    RépondreSupprimer
  20. Je vais me glisser dans le commentaire d'ABC qui exprime très justement ce que j'ai envie de te dire.
    Bonne soirée. Je t'embrasse.

    RépondreSupprimer
  21. Et ce poème est un bonheur, merci ma Zozette !

    RépondreSupprimer