jeudi 29 février 2024

Jeudi poésie Jules Supervielle

 


La pluie et les tyrans

Je vois tomber la pluie 
Dont les flaques font luire 
Notre grave planète, 
La pluie qui tombe nette 
Comme du temps d'Homère 
Et du temps de Villon 
Sur l'enfant et sa mère 
Et le dos des moutons, 
La pluie qui se répète 
Mais ne peut attendrir 
La dureté de tête 
Ni le cœur des tyrans 
Ni les favoriser 
D'un juste étonnement, 
Une petite pluie 
Qui tombe sur l'Europe 
Mettant tous les vivants 
Dans la même enveloppe 
Malgré l’infanterie 
Qui charge ses fusils 
Et malgré les journaux 
Qui nous font des signaux, 
Une petite pluie 
Qui mouille les drapeaux.

Jules Supervielle 1884 - 1960


lundi 26 février 2024

Croqueurs de mots 289

 

Défi 289 des Croqueurs de mots




Le temps me presse dans une société contrainte qui me dépasse

Une envie de liberté
De fuir les normes et l’endoctrinement
 
 Séléné m’appelle et vers elle je mets les voiles
C’est pour toi mon amie la Lune
Que j’embarquerai
J’aime ta stabilité lunatique
Tes croissants et tes rondeurs
Mon Arche sera peu chargée
Des souvenirs, des amis - ceux qui en auront envie -
J’y retrouverai mes grimoires disparus
Des Poètes bienvenus
La terre du jardin, mes arbres et mes fleurs
Le parfum des roses
Les écureuils et les oiseaux
Quelques notes de musique
Et même un chat pour sa conversation
Un océan pour jouer avec les marées
Un phare
Et des sentiers pour se promener…
 
Que racontez-vous 
Que dans la lune il y a longtemps que j’y suis déjà ?
 
Restez donc sur la terre…Et de vos algorithmes basta ! 



jeudi 22 février 2024

Jeudi poésie Laurent Albarracin

 


Quand l’arbre est l’arbre dans le pré, majestueux
Il est aussi l’arbre dans l’arbre, entier et vrai
Et il est encore le pré qui monte dans l’arbre.
Il est les oiseaux qui lui font suite et fête où il est.
Il est l’air qui l’entoure et le détoure, clair, limpide.
Mais il est l’ombre de son écorce.
Il est la nuit de la terre qui sort de la terre et rejoint le jour.
Si la terre est de la nuit sous la terre
Alors il y a dedans des étoiles de jour.
Les étoiles de jour ne brillent que pour les racines de l’arbre.
Et d’ailleurs elles ne brillent pas : toujours elles s’éteignent.
Parce que ce sont des étoiles de jour qui sont dans la terre
Et qu’elles font l’inverse de ce que font les étoiles du ciel nocturne.
C’est pour cela qu’on ne les découvre jamais.
Parce qu’elles s’éteignent au lieu de briller.
Mais l’arbre qui a des branches et des racines, un dehors et un dessous,
Sait peut-être ce que sont les étoiles de jour
Qui s’éteignent dans la nuit de la terre.
Ces étoiles-là peut-être même que ce sont les feuilles
De la partie souterraine de l’arbre.
On ne le sait pas parce qu’il faut toujours qu’on arrache
L’arbre si on se mêle de vouloir le connaître,
Il faut toujours qu’on le déracine
Alors qu’il faudrait le connaître
En le laissant à ses feuilles d’en-dessous,
A ses étoiles de jour
Qui s’éteignent
Dans la nuit de la terre.


Laurent Albarracin 

(Manuel de Reisophie pratique)


lundi 19 février 2024

Croqueurs de mots N° 289

 

Cette semaine par la pensée nous serons particulièrement près de DÔMI


Défi 289 pour les croqueurs de mots

Invitation au voyage

On met les voiles tel Noé… construisez votre nouvelle arche

Vous choisissez une destination et ce que vous emmenez pour repeupler votre nouvelle vie.

Faites-nous rêver


Musée d’Art Naïf https://www.musee-vicq.fr/



jeudi 15 février 2024

Jeudi poésie Antonio Machado

 


Voyageur, il n’y a pas de chemin, le chemin se fait en marchant

Jamais je n’ai cherché la gloire
Ni voulu dans la mémoire des hommes
Laisser mes chansons
Mais j’aime les mondes subtils
Aériens et délicats
Comme des bulles de savon.

J’aime les voir s’envoler,
Se colorer de soleil et de pourpre,
Voler sous le ciel bleu, subitement trembler,
Puis éclater.

À demander ce que tu sais
Tu ne dois pas perdre ton temps
Et à des questions sans réponse
Qui donc pourrait te répondre ?

Chantez en cœur avec moi :
Savoir ? Nous ne savons rien
Venus d’une mer de mystère
Vers une mer inconnue nous allons
Et entre les deux mystères
Règne la grave énigme
Une clef inconnue ferme les trois coffres
Le savant n’enseigne rien, lumière n’éclaire pas
Que disent les mots ?
Et que dit l’eau du rocher ?

Voyageur, le chemin
C’est les traces de tes pas
C’est tout ; voyageur,
il n’y a pas de chemin,
Le chemin se fait en marchant
Le chemin se fait en marchant
Et quand tu regardes en arrière
Tu vois le sentier que jamais
Tu ne dois à nouveau fouler

 

Antonio Machado 1875 – 1939

(Champs de Castille)

Une pensée pour notre capitaine Domi 


lundi 12 février 2024

 

Croqueurs de mots N° 288

Proposé par Martine Martin


Quand la Joconde rencontre la Tempérance


Coucou Lisa

Tu ne t’ennuies pas derrière ta vitre ?

On m’a dit que des fadas

T’envoyais parfois des tomates

Ça manque de tempérance chez ces gens là

 

Bonjour Catherine

Contente de te voir

Ne me parle pas des hurluberlus

Qui ne connaissent que la démesure

Je pense bien à toi au Jardin des Tarots

Dans notre belle Toscane

 

Ma petite Lisa

Laisse tomber ce sourire

Je sens bien que tu te morfonds

Viens donc retrouver des couleurs

Regarde-moi avec mes rondeurs

Plus de sfumato mais du soleil et des rires

 

Niky

Que t’arrive t il

As-tu trop joué avec le feu ?

Je vois tes ailes toutes mitées

Une en or l’autre en argent

Dis-moi que ce n’est pas du plaqué…

Sais-tu au moins sur quel pied danser !

Attention à ne pas les renverser

 Des vases que tu tiens

Coule sang ou vin ?

 

Tss tss Lisa 

On est là pour rigoler

Laisse tomber les vertus

Demain on verra pour la sobriété

Sors du cadre et viens t’amuser


 


jeudi 8 février 2024

Jeudi poésie Moineau le poète

 


Si l'on se mettait à s'aimer
S'aimer sans se faire d'illusions
Aux arbres morts pousserait la vie 
Aux terres arides naîtrait le fruit,

Si l'on se mettait à s'aimer
S'aimer  pour oublier la haine
Comme s'aiment les enfants
En ouvrant les bras à  n'importe qui !

Si  l'on se mettait à s'aimer
Comme l'on moissonne les champs;
Qui s'en meurent l'hiver
Et renaissent au printemps
Comme les anges aux proues des navires
Qu'aux départs on a fait bénir.

Si l'on se mettait à s'aimer
S'aimer sans se faire d'illusions
Aux arbres morts pousserait la vie
Aux terres arides naîtrait le fruit,

Si l'on se mettait à s'aimer
Afin que renaisse l'amour !

MOINEAU le poète (Grégoire BRAININ  1934 - 2016)


jeudi 1 février 2024

Jeudi poésie Marguerite Yourcenar

 


Je n’ai su qu’hésiter; il fallait accourir;
Il fallait appeler; je n’ai su que me taire.
J’ai suivi trop longtemps mon chemin solitaire;
Je n’avais pas prévu que vous alliez mourir.
Je n’avais pas prévu que je verrais tarir
La source où l’on se lave et l’on se désaltère;
Je n’avais pas compris qu’il existe sur terre
Des fruits amers et doux que la mort doit mûrir.
L’amour n’est plus qu’un nom; l’être n’est plus qu’un nombre;
Sur la route au soleil j’avais cherché votre ombre;
Je heurte mes regrets aux angles d’un tombeau.
La mort moins hésitante a mieux su vous atteindre.
Si vous pensez à nous votre cœur doit nous plaindre.
Et l’on se croit aveugle à la mort d’un flambeau.

 

Marguerite Yourcenar 1903 - 1987