Un haut lieu, dit-il, c'est un arpent de
géographie fécondé par les larmes de l'Histoire, un morceau de territoire
sacralisé par un geste, maudit par une tragédie, un terrain qui, par delà les
siècles, continue d'irradier l'écho des souffrances tues ou des gloires
passées. C'est un paysage béni par les larmes et le sang. Tu te tiens devant
et, soudain, tu éprouves une présence, un surgissement, la manifestation d'un
je-ne-sais-quoi. C'est l'écho de l'Histoire, le rayonnement fossile d'un
événement qui sourd du sol, comme une onde. Ici, il y a eu une telle intensité
de tragédie en un si court épisode de temps que la géographie ne s'en est pas
remise. Les arbres ont repoussé, mais la Terre, elle, continue de souffrir.
Quand elle boit trop de sang, elle devient un haut lieu. Alors, il faut la
regarder en silence car les fantômes la hantent.
Sylvain Tesson - Berezina