jeudi 26 novembre 2020

La ronde de nuit...suite et fin !

 

https://www.beauxarts.com/grand-format/la-ronde-de-nuit-de-rembrandt-mutinerie-en-clair-obscur/#&gid=1&pid=8

À la fin de l’année 1640, le capitaine de la garde civique d’Amsterdam Frans Banning Cocq et ses dix-sept officiers commandent à Rembrandt un portrait destiné à trôner dans la salle des banquets du quartier général Kloveniersdoelen. Le peintre est déjà célèbre, notamment pour un autre portrait de groupe : La Leçon d’anatomie du Docteur Tulp (1632). Chaque soldat de la milice est ainsi prêt à verser jusqu’à 100 florins, selon la place qu’il occupera sur le tableau, afin d’être immortalisé dans ses plus beaux habits, le regard fier et triomphant. Austérité, stabilité et virilité sont les mots d’ordre de ce type de portrait, qui s’exécute depuis des siècles. Mais que Rembrandt est en passe de torpiller à grands coups de clairs-obscurs !

Pagaille en pleine parade

Les regards fusent de toutes parts, la troupe ne sait où se diriger, les lances s’entremêlent… Le spectacle cocasse des officiers en marche pour parader est exposé au grand jour sur une toile de cinq mètres de long sur plus de trois mètres de large. La raison d’un tel chaos ? Des soldats qui festoient presque tous les jours de la semaine, et qui ne font qu’entretenir un rite social – car depuis quelques années, en Hollande, la guerre se livre exclusivement sur les mers.

Une troupe de bras cassés…

C’est une milice de pacotille que semble donc dépeindre Rembrandt. Certains détails suggèrent même qu’elle ne sait pas manier ses armes : un homme qui charge son arquebuse en marchant, oubliant l’instabilité de son équipement ; un tireur au visage caché qui laisse échapper de la fumée en plein milieu de la foule ; et enfin celui soufflant sur son arme pour la refroidir, juste derrière son capitaine.

…qui joue aux soldats !

Presque une vingtaine de personnages, et autant d’expressions détaillées que de chapeaux variés : si certains sont affublés de casques morions – le modèle en vigueur au XVIIe siècle –, un homme en armure (au fond à droite du tableau) est fagoté d’un casque antique, comme s’il s’était déguisé pour jouer au soldat. À sa gauche, un moustachu paré d’un chapeau semblable à un haut-de-forme passe pour le modèle bourgeois s’essayant aux armes.

L’ombre d’une rumeur…

Au premier plan, les deux commanditaires de l’œuvre sont en pleine discussion. Le capitaine Frans Banning Cocq s’exprime d’un geste indécis de la main, tandis que son lieutenant, Willem van Ruytenburch, élégamment vêtu, semble compter les moutons à ses côtés… Mais en regardant de plus près, l’ombre du geste interpelle : elle pourrait valoriser le blason de la ville – peinte sur la broderie entre le pouce et l’index – ou attiser les commérages sur une possible relation entre les deux hommes…

Un poulet plumé ?

Qui est cette petite fille au visage ridé, en plein milieu de la toile, plongée dans la clarté ? Certains critiques d’art ont évoqué une mascotte. D’autres ont pensé à Cornelia, une des filles du peintre disparue en bas âge, dotée du visage de la mère de Rembrandt (dont il stockait des tas de portraits dans son atelier !). Quelle que soit son identité, le rôle de cette enfant demeure symbolique : le poulet attaché à sa ceinture est le symbole des arquebusiers, la corne de cérémonie est celle de la compagnie, et la bourse pendant sur sa robe renvoie à l’argent de la commande. La volaille, plumée et tête en bas, sert sûrement de pied de nez !

L’œil acerbe de Rembrandt

« Je vous surveille et contemple votre médiocrité », semble affirmer l’œil de Rembrandt, caché dans le dos de deux miliciens. Avec ce bout d’autoportrait qui vient appuyer tant d’affronts éhontés, les officiers hésitent… entre brûler l’œuvre et maudire l’artiste. Résultat : Rembrandt ne reçut aucune commande publique pendant quatorze ans, et si La Ronde de nuit n’a jamais été complètement endommagée, elle fut rognée en 1715 – jusqu’à amputer deux personnages – pour être déménagée à l’Hôtel de ville d’Amsterdam, vandalisée à coups de couteau par un déséquilibré au Rijksmuseum dans les années 1970, puis aspergée d’acide par un visiteur néerlandais en 1990 !

 

12 commentaires:

  1. Passionnant , merci Josette !!
    Bonne journée à toi
    Bises

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  2. Très intéressant c'est un tableau sur lequel je ne m'étais jamais penchée et ton texte nous invite à le regarder plus en détails ! bises et une belle journée

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  3. Ok côté fillette, je n'avais pas prêté d'attention à elle d'ailleurs, merci Josette, bises

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  4. Grâce à ton billet, je vais aller mieux regarder ce tableau.
    Merci, Josette, et bonne journée!

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  5. Bonjour Josette. Tes explications sont très intéressantes. L'ombre n'était pas du tout la colombe de la paix. C'est vrai qu'en regardant mieux ces soldats ne semblent pas très classiques. Bonne journée et bisous

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  6. Ben dis moi, je n'avais pas fait attention à tous ces détails sauf l'ombre de la main.
    Merci pour toutes ces explications !
    Bonne fin de journée et gros bisous !

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  7. Que de découvertes ! Nous avons admiré la toile au Rijksmuseum, il y a quelques années. Je la découvre à nouveau grâce à à toi et à tes explications détaillées.
    Merci pour cette belle redécouverte !!

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  8. En résumé, ce tableau est un joyeux bazar. Et Willem van Ruytenburgh me semble bien gai, tellement il a l'air de bader (contempler avec admiration) Frans Banninck Cocq !

    Cependant, le blason de la ville tenu entre le pouce et l’index de l'ombre de la main est une hypothèse tout aussi plausible, puisque Frans Banninck Cocq, en tant que bourgmestre d'Amsterdam, est le détenteur du pouvoir exécutif.

    Merci, Josette, pour ce sujet tout-à-fait passionnant.
    Bises et bonne fin de semaine (et de mois ;-))

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  9. Merci pour ces découvertes dans un seul tableau

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  10. Voilà une explication qui permet de voir tous les détails de ce tableau , ce qu'on n'aurait pas compris forcément . Bonne soirée

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  11. très intéressant Josette
    bonne soirée

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  12. Merci Josette pour ces explications et l'étude détaillée de ce tableau , c'est vrai que ces soldats n'ont pas l'air de maitriser leur sujet mais ce n'est pas une raison pour martyriser cette œuvre .

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